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173e anniversaire de l'abolition de l'esclavage

Ce 10 mai était la journée nationale de commémoration des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition.

À Sevran, elle s’est déroulée devant la stèle de Victor Schœlcher, l’homme qui a impulsé et rédigé le décret d’abolition de l’esclavage en France adopté le 27 avril 1848.

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Chères Sevranaises, chers Sevranais, 

J’ai plaisir à vous adresser ces quelques mots à l’occasion de ce mois des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et leurs abolitions. 

La situation sanitaire que nous traversons depuis plus d’un an a complètement chamboulé nos habitudes. 

Cette crise sanitaire a renforcé l’éloignement avec vos proches vivant en outre-mer. Qu’ils soient à 100 ou 8000 km, nos familles nous manquent et je sais que beaucoup d’entre vous devront attendre encore avant de pouvoir prendre l’avion et se rendre auprès d’eux pour les revoir et les soutenir.

Je constate d’ailleurs que notre quotidien et le leur est bien souvent similaire. En banlieue, comme dans les DOM, les difficultés pour trouver un emploi, vivre convenablement ou encore se loger sont pénibles à surmonter. Les conséquences de la crise sanitaire étant d’autant plus terribles pour nos départements populaires. 

Chaque jour, je travaille à améliorer votre quotidien pour faire de Sevran un appui pour affronter ces difficultés, une ville où il fait bon vivre. 

Bientôt, c’est avec beaucoup de joie et d’émotion que j’aurai plaisir à vous rencontrer - en vrai- pour échanger et partager lors des rendez-vous culturels, festifs et sportifs municipaux. 

Aussi, cette année encore , les règles sanitaires ne nous ont pas permis de nous retrouver le 10 mai dernier pour commémorer les abolitions de l’esclavage. 

Vous le savez, je suis très attaché à cette commémoration. 

Tout juste vingt-ans après la loi Taubira, il nous faut continuer à construire ensemble cette mémoire indispensable pour bâtir un avenir où chacune et chacun à sa place, ou la dignité humaine est placée au cœur de notre société. 


Dans l’attente de nous revoir, je tenais à vous adresser une copie de l’allocution de Sébastien BASTARAUD, mon adjoint en charge des politiques de l’habitat et du logement, de la mémoire et du lien intergénérationnel. 

J’ai la conviction qu’il y a du sens à se souvenir. Du sens par rapport à la vie d’aujourd’hui et la manière dont nous avons à inventer collectivement le monde de demain. Un monde qui doit impérativement corriger les inégalités et défendre plus de justice. 

Je vous salue chaleureusement, 

Votre maire, 

Stéphane BLANCHET

Madame la Députée, 

Mesdames et Messieurs les élus, 

Monsieur le maire, 

Messieurs les Présidents d’associations d’anciens combattants, 

Chers porte-drapeaux, 

Mesdames, Messieurs,  

Ce n’est pas sans émotion que je m’adresse à vous aujourd’hui à l’occasion de cette journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et leurs abolitions. 

Mon émotion est d’abord liée au fait de vous adresser ces quelques mots en qualité d’adjoint au maire de Sevran en charge de la mémoire, mais aussi et surtout, je suis très fier de vous parler aujourd’hui en qualité de descendant d’esclaves. 

En effet, mes arrières, arrières, arrières, arrières grand-parents sont nés esclaves à Marie-Galante sur la Plantation « Bontemps ». Céleste Sopha, mon arrière-grand-mère sur 4 générations portait le matricule d’esclave 2627 et avait 35 ans, lorsque le 16 octobre 1848 elle a été enregistrée avec ses enfants et son époux sur le « registre des nouveaux libres » par Antoine Décap Boulogne, officier d’état civil. 

Il a fallu beaucoup de temps à la République française pour regarder avec courage cette histoire, la reconnaître comme crime contre l’humanité et enfin commémorer cette mémoire et mettre des mots sur cette traite barbare. Il nous en faudra encore pour comprendre, mesurer et corriger les effets contemporains de ce passé sur la société d’aujourd’hui. 

Oui, nous sommes à Sevran convaincus qu’il y a du sens à se souvenir. Du sens par rapport à la vie d’aujourd’hui et la manière dont nous rêvons pour rendre possible un avenir commun, où chacune et chacun a encore plus sa place, quelles que soient la texture de ses cheveux, la forme de son nez ou encore la couleur de sa peau. 

En ce sens, participer à cette journée du 10 mai – dont la loi qui a instauré cette date nationale fête aujourd’hui ses 20 ans, la loi Taubira – c’est l’occasion pour nous de nous tenir, ensemble, debout, face à ce passé, à ces mémoires !

Ces mémoires au plurielles, car oui, il n’y a pas eu une, mais des traites, il n’y a pas eu une, mais des abolitions, il n’y a pas eu un, mais des peuples qui ont été réduits à l’état de chose, à l’état de meuble à l’état d’une simple force de travail. 

Par cette loi de 2001, la République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques, aux Caraïbes et dans l'océan indien contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité.

Du XVe au XIXe siècles, plus de 11 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été capturés en Afrique, transportés contre leur gré et vendus en esclavage pour travailler dans des conditions très dures au sein d'exploitations coloniales. 

Si l’esclavage n’a pas toujours existé, ni partout, ni durablement, il a longtemps et souvent été réservé aux peuples vaincus et aux personnes condamnés ou endettés. L’esclavage de cette époque moderne, a cette particularité insupportable, d’avoir été le seul système économique de masse basé sur l’exil massif forcé et sur le meurtre légal.

L’esclavage, cette "mise-sous-relation" brutale, massive et accélérée de presque toutes les cultures, civilisations, imaginaires, conceptions du monde de l’époque, a créé, tels que l’ont décrit le Poète Édouard Glissant et l’écrivain, lauréat du prix Goncourt, Patrick Chamoiseau, un phénomène de "créolisation". 

Cette situation inédite a produit sans cesse du nouveau, de l’imprévisible, de l’inattendu. Ce n'est pas un simple métissage, mais la création d’une nouvelle société, avec sa langue : le créole, ses coutumes, et ses codes. 

Et nous partageons avec les sociétés caribéennes, créoles d’aujourd’hui en Seine-Saint-Denis, beaucoup de similitudes 

Cette histoire que nous avons à commémorer, vous le voyez, est complexe et nous appelle à écrire ensemble un récit commun plaçant en son cœur un respect profond de l’être humain. 

Cette histoire, nous en avons besoin pour inventer le monde de demain, ici à Sevran. Un monde fort de la mémoire et du lègue précieux d’homme et de femmes, héros de la liberté, ceux qui nous ont décillés les yeux et ceux qui ont secoué leurs chaines : intellectuels engagés, philanthropes décidés et esclaves révoltés ; Montesquieu et l’abbé Grégoire, Victor Schœlcher, mais aussi Olympe de Gouges, Toussaint Louverture, mais aussi cette femme puissante par son combat Solitude, et tous ces anonymes dont l’histoire a effacé le nom mais retenu les combats.

Célébrer le 10 mai, nous rappelle enfin l’honneur de la France républicaine – de la convention de 1794 et du gouvernement provisoire de 1848 – que d’avoir lié le destin même de la République française à l’abolition de l’esclavage.

Et parce qu’il est intimement lié à notre pays des droits de l’homme, nous devons à notre tour encore et toujours nous battre pour la liberté et donc contre l’esclavage moderne qui sévit encore dans beaucoup de pays. 

Je terminerai mes propos par un poème du célèbre poète David DIOP, qui est décédé en 1960, c’est un poète sénégalais qui appartenait au célèbre mouvement littéraire de la « négritude », dont les chefs de files, vous le savez, sont Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor.

Ce poème s’appelle « Afrique » :

Afrique mon Afrique
Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales
Afrique que chante ma grand-mère
Au bord de son fleuve lointain
Je ne t’ai jamais connue

Mais mon regard est plein de ton sang
Ton beau sang noir à travers les champs répandu
Le sang de ta sueur
La sueur de ton travail
Le travail de l’esclavage
L’esclavage de tes enfants

Afrique dis-moi Afrique
Est-ce donc toi ce dos qui se courbe
Et se couche sous le poids de l’humilité
Ce dos tremblant à zébrures rouges
Qui dit oui au fouet sur les routes de midi

Alors gravement une voix me répondit 
Fils impétueux cet arbre robuste et jeune
Cet arbre là-bas
Splendidement seul au milieu des fleurs
Blanches et fanées

C’est L’Afrique ton Afrique qui repousse
Qui repousse patiemment obstinément
Et dont les fruits ont peu à peu
L’amère saveur de la liberté.